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Les deux portes valves du lointain sas extérieur étaient ouvertes. Un croissant étincelant de soleil bleu était en train de se lever derrière le disque de la planète Myrkr, illuminant ainsi les millions de colonnes du hall immense de fantomatiques reflets saphir. Les silhouettes du laborantin et de son escorte, bien ténues à cette distance, se dirigeaient vers la sortie en file indienne. La reine voxyn était invisible. Pourtant, Jacen savait qu’elle était bien là, entre deux des silhouettes qui avançaient en tête du groupe.

– Quelque chose ne va pas, gronda doucement Tesar. Ce sas ne devrait pas être ouvert comme ça.

– Il serait préférable de chercher une explication plutôt que de nier ce que nous pouvons tous voir clairement, répondit Tenel Ka. Il doit y avoir une atmosphère à l’extérieur de ce portail.

– Certes, mais quoi d’autre ? demanda Vergere. Telle est la question, non ?

– Et si tu nous fournissais une réponse ? rétorqua Ganner.

Vergere écarta les bras et haussa ses épaules emplumées.

Jacen reporta son attention sur le groupe de Yuuzhan Vong. Il emplit son esprit de peur et de méfiance et projeta ses pensées vers la reine voxyn. C’était la huitième tentative depuis qu’ils avaient quitté la colonie.

Le voxyn réagit encore plus prestement que la fois précédente et le monstre se retourna sur le guerrier qui se trouvait juste derrière lui. La reine avait déjà dû se débarrasser du premier de la colonne avec le dard empoisonné de sa queue. Elle vomit un jet d’acide vers le deuxième puis fit un bond et égorgea le suivant. Les trois soldats s’écroulèrent. Elle s’attaqua au quatrième. Le laborantin et deux de ses assistants réussirent à la maîtriser.

Jacen interrompit la projection de ses pensées et masqua sa présence. La reine se calma, doucement, au point que le laborantin se sentit suffisamment en confiance pour s’approcher d’elle. Il lui caressa le museau et sembla lui parler sur un ton rassurant. Cet acte de bravoure aurait pu facilement se transformer en mortelle erreur. Mais Jacen ne souhaitait pas encore tuer le dresseur de l’animal. Les guerriers étaient déjà bien assez sur le qui-vive, et la mort du laborantin ne ferait qu’entraîner l’arrivée massive de renforts.

Le laborantin recula enfin et fit signe à ses assistants de relâcher les laisses. Tous avaient appris, bien malgré eux, que la reine refuserait de se mouvoir tant qu’elle se sentirait retenue. C’était là le résultat d’une autre sensation de malaise que Jacen avait implantée dans l’esprit de l’animal. Lorsque le voxyn fit montre d’accepter de reprendre la marche sans tuer qui que ce soit, les Yuuzhan Vong s’avancèrent et – abandonnant leurs morts et leurs blessés derrière eux – disparurent dans le sas.

– Plus que quatre, dit Vergere en se relevant pour sortir de la cachette dans laquelle le groupe était dissimulé. Bien joué, Jacen Solo.

Jacen ne répondit pas à l’étrange petite créature. Il détestait tuer et il détestait encore plus duper un animal pour qu’il le fasse à sa place. Mais il avait fait une promesse à Anakin qu’il devait tenir. Il fallait également qu’il retrouve sa sœur car il ne percevait aucune trace de Jaina dans la Force. Encourager le voxyn à suivre son instinct était peut-être leur dernier espoir de découvrir l’endroit où elle se trouvait. Il adressa un signe de tête à Tesar. Celui-ci se leva et se mit en route. Le Barabel, ouvrant la marche, conduisit le commando à couvert le long d’une crête plantée de curieuses moisissures. Cette zone, qu’on appelait le champ des serpents, grouillait d’ouvriers Yuuzhan Vong à la recherche de bâtons Amphi ou Tsaisi à l’état naturel.

Pendant la progression, Ganner demeura derrière Vergere, le canon de son blaster à répétition braqué sur son dos recouvert de plumes. Même si la créature avait apporté une aide considérable aux Jedi dans leur traque du voxyn et des Yuuzhan Vong, les jeunes Chevaliers ne lui faisaient toujours pas confiance. Elle avait refusé de révéler à quelle espèce elle appartenait, prétextant qu’ils n’en auraient jamais entendu parler de toute façon. Elle avait aussi refusé d’expliquer sa présence lors de la tentative d’Elan sur les Jedi, ainsi que la raison pour laquelle elle avait fourni les larmes qui avaient permis de sauver la vie de Mara. Peu convaincu du fait qu’elle serait leur ennemie, Jacen ne pouvait cependant pas la considérer comme une amie. Bien entendu, il avait récupéré le sabre laser d’Anakin et il le portait accroché à sa ceinture avec le reste de son équipement. Ganner, lui, avait confirmé qu’il n’hésiterait pas à transformer Vergere en nuage de plumes au premier signe de trahison. La créature leur avait répondu par un frisson dont le manque de sincérité ne faisait aucun doute.

L’arête couverte de moisissure derrière laquelle ils se cachaient disparaissait dans le sol à l’approche du sas. Pour éviter d’attirer l’attention sur eux, les Jedi activèrent leurs camouflages holographiques. Prenant soin de tenir Vergere à couvert, ils avancèrent vers le portail déguisés en Yuuzhan Vong.

Ils débouchèrent en bordure d’une immense vallée évoquant un cratère dont les pans étaient lisses et la crête curieusement régulière. Il n’y avait pas de plafond, mais l’atmosphère était aussi pesante et chaude que sur le reste du vaisseau-monde. Au fond du bassin se trouvait une sorte de ruche dont les casiers, d’environ un mètre de large, étaient occupés par des basals dovins.

Jacen ne parvint pas à percevoir quoi que ce soit d’eux – ces créatures étaient parfaitement imperméables à la Force – mais il devina, à leurs pulsations erratiques et à leur peau parcheminée, que ces choses souffraient. De grandes étendues de la ruche n’étaient constituées que de cellules contenant des carcasses de basals dovins desséchées. Impossible de savoir si leur décomposition était due au vieillissement, à l’épuisement ou bien à une maladie quelconque, mais elle fournissait une autre explication du fait que les Yuuzhan Vong étaient en train d’abandonner ce vaisseau-monde en pleine décrépitude.

Le laborantin et son escorte venaient d’atteindre le fond du bassin. Ils entreprirent de contourner la ruche en direction de la frégate de Nom Anor, qui était posée à quelques centaines de mètres de là. L’Exécuteur en personne, accompagné d’une cinquantaine de Yuuzhan Vong, s’était aventuré à l’intérieur même de la ruche. Chaque soldat rampait avec précaution au sommet de la délicate paroi qui séparait chacune des cellules, prenant soin d’éviter les basals dovins. Au vu des différentes tenues que portaient les guerriers – certains s’étaient juste revêtus de plaques d’armure, à même leurs torses nus –, il semblait évident que Nom Anor avait recruté les membres d’équipage de son vaisseau pour étoffer les effectifs de sa section d’assaut.

L’Exécuteur et ses soldats avançaient en direction du centre de la ruche, où un grand nombre de cellules étaient garnies de carcasses desséchées ou bien complètement vides. Au cœur de cette zone reposait la navette volée par Jaina, endommagée, écrasée sur le dos mais toujours en un seul morceau. D’après les tirs sporadiques de rayons laser et de boules de plasma qui s’élevaient de l’épave, on pouvait penser que quelques-uns des Jedi avaient survécu au crash.

Vergere vint s’accroupir à côté de Jacen. Ses yeux se posèrent sur la reine voxyn puis sur la frégate de Nom Anor. Quatre guerriers montaient la garde auprès de la rampe d’embarquement abaissée.

– Comme c’est intéressant, dit-elle. Alors, Jacen Solo, que vas-tu choisir ? Détruire la reine voxyn ou bien sauver ta sœur ?

Jacen ignora la question et continua d’évaluer la situation. Le blaster long mugit en contrebas, pulvérisant le guerrier qui se trouvait juste devant Nom Anor. L’Exécuteur eut un vague mouvement de recul. Puis il baissa la tête et reprit sa progression.

– Je ne comprends pas, dit Tekli. La navette est sans défense. La frégate devrait l’attaquer.

– Effectivement, ajouta Tenel Ka. Pourquoi prendre tant de risques et s’avancer sous un feu nourri ?

– Oui, pourquoi ? insista Vergere. Peut-être qu’il y a quelque chose à bord qu’ils souhaitent prendre vivant…

– Jaina, dit Jacen.

Vergere écarta les mains.

– Et toi, Jacen. Tsavong Lah a promis à Yun-Yammka deux Jedi jumeaux en remerciement de la victoire à Coruscant. Les choses risquent de mal tourner pour Nom Anor si Jaina est déjà morte. (Elle s’interrompit et étudia Jacen pendant quelques instants avant de reprendre :) Mais tu pourrais peut-être lui épargner un peu de peine, non ? Je crois savoir que les Jedi jumeaux sont liés l’un à l’autre par… une sorte de perception spéciale.

Jacen la dévisagea du coin de l’œil.

– Je ne croirais pas à toutes ces légendes qu’on raconte dans les gargotes, si j’étais toi.

– Vraiment ? dit Vergere en ricanant. Je me demande si tu es juste précautionneux ou bien de nature soupçonneuse…

– Les deux à la fois, quand on est près de toi, dirait ce Barabel, lança Tesar. (Il vérifia la jauge de chargement de son mini-canon puis installa l’arme sur le rebord de la crête et la pointa sur le voxyn.) Jacen, ce Barabel dispose de deux tirs, peut-être trois. Nous devons détruire la reine.

Jacen hocha la tête.

– Et sauver… (Il faillit dire « Jaina » mais il se corrigea :) Et sauver nos amis qui sont à bord de la navette.

– Tu ne peux pas faire les deux à la fois, l’avertit Vergere. Les Yuuzhan Vong ont un dicton pour ça : « Une flotte qui se bat sur deux fronts à la fois va au-devant de deux échecs. »

– Et alors ? Tu crois qu’on ressemble à des Yuuzhan Vong ? demanda Ganner en se frappant la poitrine de l’index. On est des Jedi !

– Certes, répondit Vergere tout doucement. Mais les Yuuzhan Vong ont leur puissance et leur résistance pour eux. Ne sous-estimez pas cette puissance et cette résistance sous prétexte qu’ils sont insensibles à la Force.

– Ce n’est pas dans mes intentions, dit Jacen. Mais nous allons livrer bataille sur deux fronts et nous allons gagner deux fois. Voici comment…

Il expliqua son plan aux autres tout en regardant une boule de plasma s’élever de la navette, décrire une parabole au-dessus de Nom Anor et s’écraser à une vingtaine de pas derrière lui. Le projectile produisit un trou d’une dizaine de mètres de diamètre au milieu de la ruche. Lorsque le gaz surchauffé commença à se propager aux cellules avoisinantes, il se condensa et, aspiré par les basals dovins, disparut dans un éclair multicolore.

– Et qu’est-ce qu’on fait d’elle ? demanda Ganner en désignant Vergere du canon de son blaster.

– Quand vous serez à bord de la frégate, elle sera libre de rester ici ou de partir avec nous. C’est comme elle voudra, dit Jacen. En attendant, à la première incartade…

– Flinguez-la, termina Vergere. (Elle fit claquer les quatre doigts de sa main et se tourna vers Tesar.) Sur le pont du Ksstarr tu trouveras un pilote, un copilote et un subalterne chargé des communications. Le dresseur du voxyn devrait également se trouver quelque part à bord. Ces quatre-là n’ont pas le droit de quitter le vaisseau pendant la mission.

– Ce Barabel tentera de se souvenir de cette information, dit Tesar. Il essaiera également de se rappeler qui la lui a fournie.

Tesar tendit son mini-canon à Ganner, se débarrassa de sa combinaison et bondit à quatre pattes par-dessus le rebord du cratère. Ses écailles rugueuses lui permirent de se camoufler contre la paroi sombre de corail yorik. Il se déplaçait avec une telle grâce reptilienne qu’il devint rapidement difficile de le repérer.

Jacen emplit son esprit de l’image de la cellule exiguë dans laquelle il avait été enfermé à l’Académie des Ombres. Il se laissa envahir par la sensation de terreur suscitée par son enlèvement, par la peur et l’incompréhension qu’il avait éprouvées lorsqu’il avait compris qu’il ne pouvait plus contrôler son destin. Même après toutes ces années, ces sentiments subsistaient toujours et, probablement en raison du désarroi causé par la disparition d’Anakin, ils refirent aisément surface. Lorsqu’une goutte de sueur glacée perla à son front, Jacen projeta son esprit vers le voxyn, infusant ses propres angoisses à la reine, l’incitant à prendre la fuite.

Le voxyn poussa un cri et ses deux geôliers tombèrent à terre, se tordant de douleur en dépit des membranes protectrices qu’ils devaient porter aux oreilles. Le monstre se tourna pour prendre la fuite et découvrit un troisième guerrier lui barrant le passage. La reine se jeta sur lui et le trancha en deux d’un coup de mandibules. Le laborantin s’élança à ses trousses, aboyant des ordres, essayant de calmer la créature. Jacen invita la bête à ne pas faire confiance à son « bourreau ». Le voxyn fit volte-face et vomit un jet d’acide. Le laborantin fut assez prompt et il esquiva. L’un des guerriers qui l’accompagnaient fut touché par le mucus.

Jacen décrocha son sabre laser de sa ceinture.

– J’ai besoin de me concentrer sur le voxyn. Il va donc falloir agir sans le lien psychique. Que la Force soit avec vous, mes amis.

Empoignant son propre sabre laser, Tenel Ka se pencha pour l’embrasser mais elle fut interrompue par Vergere :

– Que la Force soit avec toi aussi, Jacen Solo. (La petite créature lui fit signe de se mettre en route.) Va, maintenant, avant que ta proie ne t’échappe.

Jacen regarda Tenel Ka et leva les yeux au ciel. Puis il adressa un sourire en coin à la Dathomiri et ajusta son masque respirateur. Se servant de la Force pour franchir l’étendue du bassin en deux bonds, il atterrit en douceur derrière le guerrier d’escorte qui venait d’être frappé par le jet d’acide. Estimant préférable d’assommer le guerrier titubant plutôt que de le tuer, Jacen tendit la main pour lui arracher son casque. Il se rendit compte de son erreur lorsque le Yuuzhan Vong se retourna brusquement pour l’affronter.

Jacen activa la commande de son sabre laser. La lame se déploya vers le bras qui se tendait vers lui de façon menaçante et trancha le membre juste au niveau du coude. Mais la perte d’un bras n’était pas du genre à arrêter un Vong en pleine action. Jacen fit pivoter son arme à quatre-vingt-dix degrés et frappa son adversaire au cou. Le guerrier s’écroula immédiatement.

– Jacen ? (La voix qui venait de s’élever dans le comlink n’était pas celle de Jaina mais appartenait à Zekk.) C’est toi ?

– Et qui d’autre ? dit Jacen en continuant d’avancer, essayant de masquer sa déception de ne pas parler directement avec sa sœur. Comment ça va, là-dedans ?

– Quelques blessés mais tout le monde est d’attaque, annonça Zekk. Nous avons Lowbacca. Et le corps d’Anakin.

– Et Jaina ? demanda Jacen, décontenancé par le silence de Zekk à son sujet.

Zekk marqua une pause, visiblement surpris par la question de Jacen.

– Elle est ici.

Quelque chose dans le ton de Zekk en disait assez long sur cette obscure froideur que Jacen éprouvait depuis quelque temps lorsqu’il essayait de contacter sa sœur dans la Force. Mais, pour l’heure, il était bien trop content d’apprendre qu’elle était toujours en vie.

– Parfait. Ne bougez pas. Quelqu’un va venir vous chercher.

Jacen risqua un coup d’œil en direction de la frégate. Même si les guerriers ne connaissaient probablement pas l’identité du jeune homme, la tentation de s’attaquer à un Jedi isolé était bien trop forte. Trois des gardes de la rampe quittèrent leur poste et se lancèrent après lui, bâton Amphi en main. Derrière eux, Jacen vit la sombre silhouette de Tesar Sebatyne se glisser dans la zone d’ombre sous la proue de la frégate et se préparer à attaquer le quatrième garde.

Jacen s’élança aux trousses du laborantin et du voxyn. Le mini-canon hurla une fois, deux fois, et deux de ses poursuivants s’écroulèrent. Le troisième succomba à un torrent de rayons décochés par un T-21. Jacen ne prit pas la peine de regarder en arrière. A cet instant, Tesar était sûrement déjà à bord de la frégate et les autres devaient être en train de le rejoindre.

Le voxyn prenait de l’avance. En revanche, le laborantin avait un peu de mal à maintenir l’allure. Jacen projeta une onde de la Force pour tenter d’apaiser le voxyn. Sans succès. Avec les boules de plasma et les rayons laser explosant en tous sens à quelques centaines de mètres de là, la reine n’avait pas l’intention de s’arrêter en pleine course. Jacen essaya de réveiller chez elle ses instincts de chasseur. Sans grand succès non plus. Ses clones étaient dressés pour la traque des Jedi mais elle devait être elle-même entraînée à préserver sa propre existence. Jacen décrocha l’un des deux détonateurs thermiques qui lui restaient, activa le retardateur d’un coup de pouce et le lança, faisant alors appel à la Force pour guider l’arme jusqu’à la reine.

Celle-ci fit brusquement demi-tour devant la sphère argentée. Son dresseur se trouvait dans le passage. Elle l’envoya balader d’un coup de tête. Jacen vit un bras voler dans une direction et le reste du corps du laborantin voler dans une autre. Le voxyn fonça alors sur le jeune homme, relevant la tête pour vomir un autre jet d’acide. Jacen activa son sabre laser et chargea le monstre.

Il éructa son dangereux mucus à trois pas de lui. Jacen se propulsa dans les airs et exécuta un saut périlleux. La substance brune et visqueuse passa juste en dessous de lui. C’est alors que le détonateur thermique explosa et Jacen perdit le voxyn de vue. Il atterrit en douceur et exécuta un demi-tour qui le replaça dans sa direction initiale. Son cœur se souleva dans sa gorge. Plus de voxyn, juste la sphère brillante produite par l’engin explosif en train de se rétracter. Aveuglé, Jacen leva son sabre en position défensive et invoqua la Force pour repérer sa proie.

La reine avait fait un bond de côté et était en train de s’éloigner. Jacen cligna des yeux pour recouvrer un semblant de vision et aperçut le voxyn en train d’escalader les parois de la ruche, tenant d’échapper à la bataille, tentant d’échapper à son chasseur. Son corps était si volumineux que le monstre était obligé de s’appuyer sur plusieurs parois entre les cellules pour progresser. Jacen passa la bride de son T-21 autour de son épaule et s’élança derrière le voxyn. Inutile d’insister. Il ne lui restait que très peu de tirs et les rayons ne pénétreraient probablement pas l’épaisse cuirasse écailleuse de la bête.

La voix de Tenel Ka retentit dans le comlink :

– C’est bon, on tient la frégate. Nous avons un moyen de rentrer chez nous. Mais il y a une petite complication.

Lowbacca gronda une question.

– Non, ça, ça n’a guère d’importance, lui répondit Tenel Ka. En revanche, quand nous avons mis la main sur l’officier des communications, il était déjà en contact avec le spatioport.

Jacen poussa un soupir.

– Et Vergere ? demanda-t-il.

– Elle a dit qu’elle ne souhaitait pas être atomisée. Elle est donc partie, dit Tenel Ka. Apparemment pour te rejoindre.

– Compris. Magnez-vous. (Jacen atteignit le périmètre de la ruche et fut obligé de ralentir l’allure. Les murs qui séparaient les cellules mesuraient environ cinquante centimètres d’épaisseur mais un dépôt s’était formé sur leur tranche et Jacen eut l’impression d’avancer sur le rebord étroit d’une planche.) La navette d’abord.

– Au fait, fit Zekk. Heu… Tu as remarqué que tu as plein de Yuuzhan Vong aux fesses ?

Jacen n’avait pas le temps de regarder. Il était en train de rattraper la reine.

– D’abord la navette, répéta-t-il. J’ai un truc à finir de mon côté.

Le voxyn s’arrêta. Les murs des cellules, à cet endroit, convergeaient et semblaient former une sorte d’îlot. Le monstre pivota sur lui-même. Jacen bondit par-dessus un basal dovin et retomba juste derrière la reine. Il chancela, recouvra un semblant d’équilibre et activa son sabre laser. Le voxyn poussa un cri mais ne parvint pas à tourner suffisamment la tête pour envoyer son attaque sonique vers Jacen. Celui-ci s’avança et plongea la lame de son sabre laser juste derrière une des pattes antérieures de la créature.

Le monstre accusa le coup, le sang, au contact de l’air, se transforma en vapeur toxique. Jacen continua sur sa lancée et trancha une deuxième patte. Puis il plongea profondément sa lame dans les flancs du monstre avant de la pointer vers le haut. Le voxyn s’écarta et s’appuya contre un mur adjacent afin de se retourner contre son assaillant. Jacen sauta pour rester derrière elle. C’est alors qu’il entendit le bourdonnement d’un scarabée tranchant voler dans sa direction.

Il s’accroupit et releva sa lame pour parer le coup. L’insecte fut réduit en miettes. Le voxyn continua de battre en retraite jusqu’à ce qu’il trouve un moyen de se tourner à nouveau vers son adversaire. Jacen se propulsa dans un saut périlleux arrière et retomba sur l’étroite croisée des murs juste derrière lui. Il osa détourner les yeux du monstre.

La frégate progressait déjà au-dessus de la ruche en direction de la navette écrasée. Sa rampe avant était abaissée, ce qui permettrait un embarquement rapide. Nom Anor et ses guerriers se trouvaient à présent à moins d’une centaine de mètres. Certains levèrent des yeux stupéfaits vers la frégate, d’autres continuèrent de ramper vers Jacen. Mais ils étaient tous encore trop loin pour pouvoir lancer leurs scarabées tranchants.

Une sensation de menace attira l’attention de Jacen dans la direction opposée. Il pivota et vit un imposant Yuuzhan Vong bondir vers lui.

– Jeedai ! hurla le Vong en tendant un seul bras vers le jeune homme.

Jacen fit fouetter son sabre laser et trancha l’individu en deux au niveau de la taille. Il ne reconnut le laborantin que lorsqu’une main à huit doigts s’accrocha à son respirateur, manquant de le faire tomber à la renverse. Il baissa la tête, le masque se détacha. Le torse du Yuuzhan Vong, aux yeux chargés de colère, s’écroula dans la cellule voisine en frôlant le basal dovin. La créature réagit avec son seul moyen de défense. Une petite anomalie gravifique se produisit et le corps du laborantin, après avoir implosé, disparut complètement dans un éclair coloré.

L’odeur acre du sang toxique rappela à Jacen les dangers auxquels il s’exposait s’il ne remettait pas son masque respirateur. Il releva la tête et découvrit que la reine était en train de le fixer, à deux mètres de là, de ses yeux noirs et dénués d’expression. La Force résonna soudain de la sinistre détermination du monstre. La créature comprenait pourquoi le jeune homme était là. Elle n’était pas furieuse, elle n’éprouvait aucune haine. Elle était simplement déterminée à sauver sa peau. Jacen ne souhaitait pas la tuer. Il n’avait jamais voulu tuer le moindre animal. Peut-être que le monstre avait deviné cela aussi.

Jacen sentit alors que la tête lui tournait. Il fallait en finir. Agitant son sabre laser pour attirer l’attention de la créature, il glissa sa main libre vers son dernier détonateur thermique. La créature fit un bond. Il décrocha le détonateur de son harnais d’équipement. Le monstre se cabra pour l’attaquer à la tête puis surprit Jacen en posant une patte sur son épaule.

La griffe s’enfonça profondément et fit basculer Jacen. Le détonateur lui échappa des mains sans qu’il ait eu le temps de l’activer. Derrière lui, le basal dovin commença à s’agiter. Jacen fit tourner ses jambes au-dessus de lui pour se propulser de l’autre côté de la cellule. Il retomba, chancelant, mais se catapulta à nouveau dans la même direction, en sautant plus haut cette fois-ci.

Il atterrit sur ses talons au sommet d’une paroi, la vision trouble, les narines en feu. Il partit à la renverse sur la croisée des murs mais parvint à se rattraper par les bras.

Un trio de coraux skippers passa en trombe au-dessus de lui. Leurs proues crachèrent des boules de plasma vers le centre de la ruche. Toussant, luttant pour rester conscient, Jacen se redressa et aperçut la frégate volée par ses camarades en train de remonter en chandelle pour échapper au bombardement. Elle lança un missile au magma, qui disparut immédiatement dans une anomalie gravifique dès qu’il s’approcha d’un des skips. Avec un équipage entraîné et nombreux, la frégate aurait aisément raison des petits appareils. Mais, avec à son bord une poignée de Jedi inexpérimentés, il y avait de fortes chances qu’elle soit réduite en pièces très rapidement.

Jacen activa son comlink mais il s’interrompit en entendant un bruit d’éructation très familier. Il roula sur son épaule valide et se releva avec difficulté. Un jet de mucus brun éclaboussa l’endroit même où il se trouvait un quart de seconde auparavant. Le voxyn se mit à avancer. La puanteur acre de son sang donna la nausée au jeune homme. Les poumons lui brûlèrent et la tête lui tourna de plus belle. Il manqua de s’évanouir et de chuter sur un basal dovin.

La reine atteignit la croisée des parois et s’arrêta. Jacen et le monstre étaient à présent séparés par une flaque d’acide. Le jeune homme leva son sabre laser en parade médiane, la pointe légèrement en avant, laissant pendre son bras blessé le long de son corps. Derrière le voxyn apparut la silhouette de corail yorik, d’une centaine de mètres de long, d’une corvette Yuuzhan Vong, séparant alors Jacen du reste du commando. Ses amis devaient à présent livrer bataille, affrontant une flottille Vong tout entière.

Jacen eut un haut-le-cœur et tomba sur un genou. Voulant profiter de la situation, le voxyn rassembla ses pattes restantes pour bondir.

Un détonateur thermique atterrit alors au milieu de la flaque d’acide. Le minuteur n’en avait pas été activé. Ce fut tout ce que Jacen parvint à discerner avant que le projectile explosif à la coque argentée ne coule au milieu du mucus.

– Ça peut t’être utile, non ? appela Vergere. (Elle était en train de le rejoindre, écartant les bras pour ne pas perdre l’équilibre en sautillant d’une paroi à une autre.) J’ai vu que tu l’avais laissé tomber…

Jacen sentit sa mâchoire se décrocher.

– Mais comment as-tu…

– Pas le temps d’expliquer !

Vergere tendit un doigt vers le voxyn. Celui-ci était en train de cavaler le long d’une arête pour essayer d’échapper à la sphère d’argent. Le détonateur ne pouvait pas exploser sans qu’on ait programmé son minuteur mais qu’est-ce que le monstre pouvait bien connaître de ces armes ? Pour lui, toutes les sphères brillantes étaient des objets qu’il fallait éviter à tout prix.

Jacen sauta les pieds en avant. Il harponna le flanc de la reine, enfonçant ses talons dans sa cage thoracique, l’obligeant ainsi à tomber du rebord. Elle planta ses griffes dans le corail yorik des parois et se rétablit. Jacen rebondit et atterrit lourdement derrière elle. La moindre respiration était à présent douloureuse. Il sentit les ténèbres commencer à l’envahir.

Non, il sentit plutôt les ténèbres essayer de l’envahir. Il plongea la lame de son sabre dans le corail et commença à découper autour des griffes de la reine. Toujours soucieux d’échapper au détonateur thermique, le voxyn lâcha une de ses prises pour s’accrocher à la paroi adjacente. Mais le mur ne résista pas et la partie avant du corps du monstre tomba dans une des cellules. L’animal fit fouetter sa queue, et ses dards empoisonnés, en direction du cou de Jacen. Celui-ci tenta d’esquiver mais son épaule blessée l’empêcha d’exécuter son mouvement de recul. L’une des épines se planta dans son cou et le jeune homme sentit le venin se répandre dans ses chairs meurtries. Un poison irritant, brûlant.

Trop affaibli pour donner un coup de pied, Jacen décida de pousser avec les ondes de la Force. Une autre patte de la bête lâcha prise. La reine, également blessée, glissa un peu plus dans la cellule. L’une de ses griffes frôla un basal dovin. Elle bascula complètement dans la cavité, se recroquevilla, implosa et disparut complètement.

Jacen sentit le dard se détacher de son épaule et il fut bientôt pris de nausées incontrôlables. Il tomba à la renverse sur la croisée des parois. Quelque chose se mit à grésiller et sa main commença à brûler. Soudain, quelqu’un le saisit par un bras et le souleva.

C’est alors que se produisit un fracas assourdissant dans les hauteurs, une tempête de feu jaillit, si étincelante qu’elle illumina les ténèbres à travers les paupières closes de Jacen. Il entendit une voix l’appeler. Une voix qu’il connaissait depuis toujours mais qui lui sembla aussi étrangère qu’une voix Yuuzhan Vong.

– Jacen ? (Il y eut une pause puis la voix reprit, froide et exigeante :) Jacen, réponds-moi !

Une main délicate brossa les cheveux du jeune homme vers l’arrière et décrocha le casque audio.

– Tu ne peux rien faire pour Jacen pour le moment, dit une seconde voix, également familière. Pense plutôt à sauver ta peau.

– Vergere ? demanda la première voix. C’est toi ? Je veux parler à mon frère…

La requête fut interrompue. Jacen ouvrit les yeux et vit une main délicate à quatre doigts jeter ses écouteurs dans les airs. Dans le ciel, loin au-dessus de lui, se déroulait une bataille. Une frégate Yuuzhan Vong essayait de franchir un barrage constitué de corvettes Yuuzhan Vong…

Jacen fronça les sourcils, perplexe. Mais cela ne dura qu’un instant, il se souvint que la frégate appartenait à Nom Anor, que ses amis l’avaient dérobée et que, à présent, ils essayaient de venir le chercher. Il se redressa tant bien que mal et aperçut un Yuuzhan Vong borgne, à la tête de plusieurs douzaines de guerriers, en train d’avancer au beau milieu d’une pluie de boules de plasma et de missiles au magma. Dans sa direction. Il essaya de rouler sur le côté mais il en fut empêché par la main à quatre doigts.

– Non… (En dépit de l’apparente fragilité de la main, sa puissance était irrésistible. C’est en tout cas ce qui sembla à Jacen, vu l’état dans lequel il était. La main lui prit son sabre laser puis décrocha celui d’Anakin de son harnais d’équipement.) Tu as gagné tes batailles. Maintenant, il faut payer.

Jacen se rappela alors les tortures que lui et les autres avaient endurées à bord de la Mort Exquise. Il sentit son estomac se révulser. Ses mains se mirent à trembler. Il s’ouvrit totalement à la Force et sourit face à la peur que tout son corps éprouvait. Les Jedi étaient sauvés. Comparé à cela, sa peur et sa douleur ne signifiaient rien.

– Détrompe-toi, Jacen, elles signifieront un jour quelque chose, dit Vergere. (Il fut complètement abasourdi. Il n’avait pourtant pas formulé ses pensées à voix haute.) Je te le promets, elles signifieront un jour quelque chose.

Une goutte chaude tomba sur son visage. Puis une autre, et encore une autre. Jacen tendit le cou et vit Vergere essuyer des larmes sur ses joues. Son visage était tourné de façon à ce que Nom Anor et ses guerriers ne voient pas ce qui était en train de se produire.

– Vergere, est-ce que tu…

– Oui, Jacen, dit-elle en pressant un doigt sur ses lèvres. Je pleure pour toi.